Est-ce difficile d’être soi-même dès la petite enfance ? 

Dans son regard, l’enfant voit déjà se refléter l’étrangeté de chacun. Un regard grand ouvert sur les différences qu’il observe et qui peuvent même le faire se sentir inconséquent. Se sentir si dépourvu, fragile et dépendant. Il ne peut pas comprendre ce sentiment.

Dans l’observation étonnée de ce monde-là avec ces parents-là, il accepte de vivre l’aventure de la vie. Toutes ses sensations sont plus physiques et intuitives qu’intellectuelles bien évidemment. Si petit, il n’a pas les moyens d’organiser une pensée. Son corps antenne lui donne les premières informations relationnelles.

 

Ne pas renoncer à être qui on est ! 

Être soi-même se révèle être un enjeu dès le premier jour de sa vie. L’enfant en prend la mesure en quittant le cocon douillet du ventre de sa mère. L’heure est venue de sa naissance. L’heure est venue de regarder l’horizon et de s’éprouver aux autres. C’est la vie qui met à l’épreuve dans la plus grande solitude.

C’est l’heure de la grande séparation. La plus douloureuse ! Mais aussi ce premier souffle est un cadeau, une bénédiction. Il rend tout possible. Tout est là. La Terre et tous ses règnes offrent un espace infini de rencontres et de richesse à qui sait les apprécier et les honorer.

Mais les lois de la nature sont tout aussi limitantes qu’elles sont généreuses. Il va bien falloir trouver une place parmi tous ces autres. Il va bien falloir s’accrocher à un système le plus sécurisant possible pour faire l’expérience de la vie.

 

Ce premier pas est étayé par la présence/absence de ses parents 

Il vit ses premières angoisses de séparation. Mais bien plus qu’un apprentissage dont il saura trouver les solutions internes pour les surmonter, il pressent parfois un manque, une fragilité ou une béance dans le cœur de ses parents. Comme si leurs histoires de vie étaient pétries de leurs non résolus. Cette perception résonne en lui.

Il se rend compte que ses parents peuvent souffrir. Eux de leur côté n’ont pas forcément pris la mesure de la transmission de cette souffrance. Parfois la rencontre amoureuse peut permettre la guérison de leurs blessures. Comment peuvent-ils être sécurisants pour leur enfant si eux-mêmes non pas résolus leur propre insécurité ? 

L’enfant dans son hypersensibilité le reçoit sans filtre. Les inconscients familiaux n’ont pas besoin de faits et de paroles pour pénétrer et œuvrer. L’enfant accueille comme il peut cette vulnérabilité. Il peut cependant en faire une force ! 

Cela va lui demander à revenir au plus près de lui et oser être lui. Il prendra la mesure de sa précarité et de sa dépendance. Mais aussi il prendra connaissance de ses ressources qui le mène petit à petit à plus d’autonomie ! Elles se renforceront avec ses propres expériences ! 

La vie est toujours dans l’instant d’après. Vivre avant toute chose !

 

L’être divin en lui prend le chemin de la vie incarnée 

Illimitée de cette pulsion de vie et finitude inhérente à la condition humaine vont flirter ensemble jusqu’au moment du trépas. Ce tempo pour trouver l’équilibre en toute chose. 

L’enfant grandit et touche de plus en plus à sa dimension subtile inscrite dans la plus grande des fragilités. De quel côté va-t-il pencher ? Énergie vitale inconditionnelle ou mélancolie posée sur la souffrance des générations d’au-dessus et des traumas familiaux ?

Il s’agit de prendre soin des ressentis et ne pas rester sous l’emprise de cette transmission. L’appel à la vie est une œuvre d’art unique. A chacun sa responsabilité d’y œuvrer ou pas ! 

Corps, âme et esprit ! Tout est là dès la conception peut-être même dès l’instant du projet parental. Le message des vies d’avant et les messages sur un plan même plus archaïque informent l’être en devenir. Il sait ! Une vie pour se rencontrer au-delà et par-dessus tout dans l’imperfection du huit-clos familial.

 

Pourquoi ce sentiment à la fois d’appartenance et d’insuffisance ? 

Tout petit, les adultes qui l’entourent lui font miroir de son corps et il ressent son existence dans leurs mots. Il a sans doute compris que son incomplétude était l’épreuve même de la vie ! Incomplétude qui lui permettra d’avancer et de se singulariser. Le « bébé glouton », comme je le nomme pour donner la mesure de ses capacités de déploiement, accepte alors le challenge des apprentissages dans tous les domaines. Il se laisse guider. 

Seulement cette guidance, plutôt éducation, n’est pas toujours de son goût. Évidemment non ! Mais il l’accepte pour en tirer le meilleur parti. En fait, cela ne peut être que le meilleur puisque cette transmission est le don de la vie de ses parents.

Pourquoi le remettre en question ? Pourquoi mettrait-il en doute ce qui l’environne et ceux qui en détiennent l’organisation ? Il est plutôt de ceux qui veulent faire plaisir alors il reste dans l’observation des rôles de chacun, des enjeux relationnels et des prises de pouvoir.

Rien ne peut laisser apparaître son intime questionnement, celui d’une autre raison d’être. Il plonge donc au Cœur de cette connivence familiale, prise dans les liens de dépendance affective et matérielle. Il y a des petits pas de côté, juste ce qu’il faut pour s’affirmer mais pas d’une ampleur significative. Enfin, jusqu’à un certain âge. 

L’ambivalence de l’écueil familial et de l’obéissance à ce système va lui donner matière à avancer sur son propre chemin de vie. 

Quelle sera cette vie pour se réaliser et honorer son droit à être qui il est ? Il n’a pas encore les moyens de le penser. 

Un début de vie dont il se souvient peu et que seul un retour en lui, des dizaines d’années plus tard, grâce à une psychanalyste par exemple, lui fera pressentir les tenants et aboutissants de ce monde lilliputien.

 

Etre soi-même : une vie pour devenir, pour advenir… et vous ? 

Pour être soi-même, faudrait-il être conforme ? Comment faire l’écart, le bon écart, et encourager tout questionnement et même tout mouvement d’opposition sans que ce soit l’anarchie mais plutôt un élan vivant et créatif ? 

Quitter tout conditionnement pour être soi-même, et ne garder que le meilleur de notre éducation et de nos enseignements. Garder le meilleur au nom de sa propre singularité. 

Reprendre le fil – revenir à la source…  

Lettre déjà parue : Se « déconditionner » de l’ancien

 

Toute guidance est nécessaire à notre mise au monde psychique mais libre pensées et libre arbitres sont nécessairement à l’origine de notre développement de conscience. 

On voit bien aujourd’hui où cela nous mène de ne pas sortir d’un système érodé, usé jusqu’à la trame. 

Parole d’autorité ou de toute puissance ? Y-a-t-il une vérité ?

Ne sommes-nous pas voués à l’expérience du pire comme du meilleur et d’en assumer les conséquences. 

Etre soi-même, oui c’est possible ! Pour l’essentiel cela nécessite de : 

  • être libre,
  • être le plus authentique possible,
  • apprendre à se connaître,
  • se détacher des conditionnements divers et variés,
  • aimer et être aimé,
  • faire des choix adaptés à sa véritable nature,
  • oser dire non,  

Boris Cyrulnik, psychiatre très célèbre, a développé la théorie de la résilience. Si être soi-même n’est pas permis par manque d’amour ou négligence parentale, si cela a pour conséquence une grande mésestime de soi, il y a toujours une possibilité de surmonter ses traumatismes et d’en faire une force !