Septième partie du voyage en Inde du sud du 17 juin au 19 juin 2011

Le 17 juin

Direction Auroville à 10 km de Pondichéry. C’est une ville construite dans les années 70 pour y accueillir des gens venus du monde entier qui souhaitent vivre autrement. Deux milles habitants. Une sorte de communauté de compétences : « Régénération de l’environnement, agriculture organique, énergie renouvelable, artisanats, soins de santé, éducation… Recherche progressive d’une économie sans argent. (dixit leur flyer) ».

Nous n’avons pas pu boire un coup au Solar Café car nous n’avions pas ouvert de compte où nos dépenses sont débitées directement. Pas d’échange d’argent possible, à la mode du club Med.

Les maisons sont perdues dans la végétation et rassemblées en différents centres. Personne ne paie de loyer et chacun reverse à la communauté un pourcentage de ses revenus. Il semblerait que tout ceci s’autogère.

 C’est un état d’esprit où toutes les religions et cultures s’acceptent et où chacun à sa place. La « zen attitude » est de mise. Vivre librement semble utopique mais c’est pourquoi Auroville a été créée. Pour des relations de collaboration, d’entraide et de réelle fraternité.

Changer le monde par le pouvoir de l’esprit intérieur. « Sat chit ananda » est l’essence du divin qui veut dire Existence, Conscience et Félicité. Ça je connais et j’adhère totalement.

Au centre de cette ville trône le Matrimandir ou chambre de méditation. C’est immense. Nous n’y avons pas accès. C’est une énorme boule dorée. Incroyablement décalée dans cette nature calme et d’un autre temps. 

Façon kitch des années 70. J’imagine les Aurovilliens et leur temps de méditation sur la pelouse entretenue autour de cette sphère solaire. Pour le visiter, il faut réserver deux jours avant et les visites ne se font que le matin. Nous avons loupé le coche.

Nous marchons dans la forêt. La terre est rouge. Certains troncs d’arbres en prennent la couleur. Le banian est un arbre. Il a la particularité de produire des racines aériennes qui poussent vers le sol et prennent racines pour devenir à leur tour des troncs. A proximité du Matrimandir, il y en a un qui mesure 50 m de diamètre avec tous ses petits troncs annexes.

L’eau du restaurant où nous avons pu manger (car ils acceptent de l’argent) est filtrée par un système très élaboré (dynamisation par vortex). Marque « Aquadyn ». Pour me souvenir de la marque.

Agnès n’est pas en forme. Nous décidons de rentrer. Tout le monde se déplace en vélo, moto ou scooter. Nous sommes au bout de nul part attendant un car dont nous ne savons même pas à quelle heure il viendra.

Agnès dort sur un banc. Elle s’endort partout ainsi. Moi pas. Je veille. Pas de car. Un homme nous dégotte un taxi. C’est encore le coup de la « belle âme » au bon moment au bon endroit. J’adore.

Précision : Agnès a eu la bonne idée de lui parler à propos du bus et le dernier étant passé il a appelé un taxi pour nous. Elle insiste : « Je me suis permise cette précision car même si je peux dormir partout je veille au grain, non mais des fois ! LOL »

J’ai eu le temps d’observer pendant l’attente vaine du car. Il y a beaucoup d’européens et pas que des jeunes. Bien au contraire. Les « retraités » sont bien représentés. Des soixante-huitards ? L’esprit baba cool est omniprésent. On dirait un gigantesque camp de vacances. Tous passent et repassent en scooter et en motos. Peu de voitures.

Il y a la mer et cette dense végétation qui tente de cacher de somptueuses maisons. Là aussi il semble y avoir des disparités. Je pense que ceux qui viennent s’installer dans ce pseudo-paradis avec des moyens sont mieux lotis que les autres.

Mais le guide du routard me rassure d’une réelle participation et redistribution des biens. Il faudrait rester quelques jours pour mieux comprendre leur projet de vie. En tout cas, j’ai aimé la tranquillité des sentiers arborés et j’ai très bien mangé de bonnes crudités car ils les cultivent eux-mêmes et c’est Bio.

Le 18 juin

La nuit est longue pour Agnès encore brassouillée et qui n’arrive pas à dormir. Elle en profite pour compléter mon récit d’hier.

Petits commentaires d’Agnès pendant que Carole dort et oui !!! « Il y a différentes communautés qui vivent ici (Auroville) et ils sont libres d’en changer ou même de partir, ce n’est pas du tout un système de secte. Il y a des indiens en grande majorité et les français arrivent en deuxième position suivi des allemands et autres. En tout cas, cela a l’air de fonctionner et fait envie d’y rester. Pour cela vous avez entre 1 an ou 2 avant d’être accepté et de faire partie des Aurovilliens, vous pouvez repartir quand bon vous semble ».

Je reprends ma plume. Agnès va mieux de bon matin. Elle s’occupe activement de nous trouver une autre chambre d’hôte à Mahabalipuram, notre prochaine destination avant Chennai et le grand retour. Pas facile. Nous verrons bien comme d’habitude.

Oups ! Une bande de jeunes indiens (filles et garçons) qui arrivent à 9 h. Pas bon pour nous. Nous étions les « invitées » privilégiées du silence de cette belle demeure. Fini la belle vie et cette parenthèse de douceur. Ils sont déjà excités de bon matin.

Bérengère nous rassure sur la discrétion habituelle des résidants. Cela nous a bien fait rire (intérieurement !). Une heure après elle revenait vers nous pour nous confirmer qu’ils étaient effectivement bien envahissants.

Le « shotting photo » avait démarré. Tous les meubles et bibelots de la maison y sont passés avec ces « charmants » indiens transformés en top modèle et prenant toutes les poses « starifiées ». Un grand moment. Nous sommes au spectacle. Bérengère leur laisse la consigne de rester calme ce soir. Nous verrons bien.

Direction le centre ville pour faire du shopping. Mode d’emploi que toutes les filles de la planète connaissent bien : rentrer dans un magasin et dépenser de l’argent. J’en avais presque oublié le rituel car mon activité à l’institut ne me laissait pas de temps pour ces frivolités. Rassurez-vous, c’est comme le vélo, cela ne se perd pas !!! Tout ok.

Je suis contente de retrouver mon Agnès des beaux jours. Elle a même retrouvé le sens de l’orientation. Sa boussole intérieure s’est remise en route avec ses intestins !!! Enfin presque.

Le marché couvert de la ville appelé « big market » vaut le détour et me conforte dans l’idée de ne manger ni poisson ni viande. Je suis au régime végétarien depuis le début à une ou deux exceptions prés. Le marché couvert est un dédale d’allées étroites. Bonjour les odeurs. Petites échoppes les unes contre les autres.

On étouffe littéralement. Comment font-ils ? C’est hallucinant. A voir absolument.  Attention de regarder où poser les pieds. Les allées sont défoncées.

Les trottoirs sont défoncés aussi. Partout c’est chaotique. Nous nous y faisons quand même. Ils sont très hauts, rapport aux inondations de la mousson. Enfin, j’imagine.

Détour au temple de Ganesh pour revoir notre amie bijoutée. Dame éléphant, une jeune fille de 18 ans, amuse encore la galerie. Petite pièce ma belle ? Ok et vlan ! Un coup de trompe sur la tête. Je suis adoubée et fière de l’être. Un petit gratte-gratte sur la trompe et nous voilà amie pour la vie. Et pour preuve de mon courage retrouvé, Agnès m’a filmée.

Bon, du coup je passe du temps à lui gratouiller la trompe, yeux dans les yeux. Agnès se joint à cette petite séance de câlin. Elle me souffle sur le pied (non pas Agnès mais l’éléphante) pour ne pas dire qu’elle me crache dessus. Mon pied est trempé. Le temps qui nous était imparti est dépassé. Pour deux roupies, il ne faut pas exagérer. Les affaires sont les affaires. Au suivant…

Vraiment deux gamines !!!

Agnès est de nouveau à plat. Retour à la chambre d’hôtes. Nous partons demain. Je ne sais si nous trouverons le wifi. Je fais donc partir quelques photos ce soir. Enfin je tente parce que parfois cela ne fonctionne pas. Et pas trop parce que cela sature vos boites.

 Le l9 juin

« Nos voisins indiens, comme nous l’avions prédit parlent bruyamment et il est 23 h 30. Du coup, je demande à Carole d’aller les voir en lui donnant deux phrases à dire en anglais et ça marche. Ouf ! Nous allons pouvoir dormir et j’espère récupérer la fatigue suite à ma nuit très agitée de la veille ».

Agnès commençait à s’agacer de la joie démonstrative et sonore de ces jeunes indiens. Elle dit : il faut qu’ils s’arrêtent où je « lâche » Carole ». Vous aurez compris la suite. Pour une fois que je m’y colle. Mais je suis restée très calme. Tout est dans la force tranquille !!! Ils n’ont plus posé de problèmes. Dodo !

Nous nous préparons à quitter Pondichéry où les traces de la colonisation française commencent à s’estomper petit à petit.

Je repense à Auroville, cette ville mythique (crée par Sri Aurobindo  et la Mère, une française venue s’installer en Inde après l’avoir rencontré).

Un modèle idéal où les richesses sont partagées. Il y a toutes ses motos d’un âge certain qui ferait pâlir d’envie les collectionneurs. Tout me semblait calme et apaisé.

Mais sans doute faut-il compter avec le « facteur humain ». Celui dont parle souvent Pierre Rabbi. Il dit même « putain de… » Il sait que ce n’est pas si simple les relations humaines, les jeux de pouvoirs et les attentes de chacun. Son association « Terre et humanisme » propose aussi des projets de collaboration et d’échange équitable. Et les « Égos » des uns et des autres peuvent cependant freiner cette intention louable. C’est un chemin de vie et de réflexion. Auroville serait-elle un modèle de réussite ? Il semblerait.

Je repense aussi à la condition de la femme en Inde. « L’Inde serait dans le top classement des pays où les femmes sont le plus maltraitées » (petit commentaire d’une amie par mail). Elles affichent pourtant une vraie sérénité.

Que nenni ! Nous en reparlons avec Bérengère qui nous explique qu’elle connait une femme de ménage qui n’a plus ses dents à force d’être battue par son mari. Elle ne peut plus manger. C’est malheureusement très fréquent. Les hommes sont trop alcoolisés. Nous échangeons longuement sur ce sujet. 

Bérengère s’occupe aussi d’une association en France qui crée des « maisons d’accueil » pour des enfants dans différents coins du monde. Ils sont soignés et éduqués/scolarisés. Ils apprennent un métier et repartent plus âgés avec un « bagage ». Ils sont alors véritablement insérés dans la vie. J’aurai l’occasion de vous en dire plus. Elle est touchée aussi par la condition de la femme en Inde. Je la comprends, tout semble urgent et prioritaire. Enfants, femmes et vieillards.

Cela me questionne encore sur l’idéal Aurovillien « protecteur » pour ne pas dire « protectionniste » et par ailleurs sur l’investissement social et fédérateur de ces nombreuses associations humanitaires. 

A Auroville, j’ai lu qu’ils faisaient participer de nombreux villages alentours à leur développement. Ils sont à la pointe de la « modernité écologique ». La pensée positive et la pratique de la méditation peuvent sembler stériles et les associations font face de leur côté à la lourdeur étatique et à la corruption. Mais, il en faut de l’énergie et de la foi pour faire face à ce chantier planétaire de la bientraitance dans tous les domaines et pour tous.

Pas facile d’écrire dans le car qui nous mène à Mahabalipuram. Tremblote assurée sur cette route « à peu prés » avec des amortisseurs qui peut être n’ont jamais été installés. Tous les autocars sont rafistolés, le pare-brise fendu… J’en ai vu un qui avait le toit tenu par du gros scotch.

Nous transpirons énormément sur les sièges déchirés et habillés de pseudo-cuir. Les chauffeurs de cars sont rarement sympathiques. Encore une histoire de caste ?

Ils laissent toujours le moteur en route pendant les temps d’arrêt. Pour être sûr que l’on reparte ?

Petite note de vocabulaire : je crois que les jupes/shorts des hommes s’appellent des lungi. (Autre petit commentaire d’une autre amie).

C’est bien, ça suit en France. Merci correcteurs et correctrices. Vos commentaires sont les bienvenus. Il est évident que ce que je témoigne fait partie de ma perception des choses. Je n’ai pas la prétention d’en faire une vérité. Tout est expérience et ressenti.

Les gares routières sont apocalyptiques, je l’ai déjà dit. A Mysore, nous avons vécu un grand moment de la sortie de la gare. Je ne sais plus si j’ai parlé de cette anecdote. J’en dis tellement.

Donc, là où trois cars pourraient sortir côte à côte, il s’en présente 15 qui klaxonnent à qui « mieux mieux », cul à cul, prêt à tout pour sortir. On se croirait dans un manège d’auto-tamponneuse. Je passe à droite, je passe à gauche…

Je m’arrête brutalement à 10 cm du voisin. Je fais ronfler le moteur. Ils conduisent un car comme il conduirait un rickshaw. Par contre, ils ne se fâchent jamais et je n’ai pas vu de gestes incorrects. Et toutes ces vaches maigres dans les rues qui mangent les détritus ! Où sont mes belles des champs ? Je ne parle pas de celles qu’on engraisse avec « nos détritus-farine » victimes de notre système de surproduction. Na ! C’est dit !

Arrivée et recherche de « guest House ». Celle recommandée par Bérengère est très bien et nous pouvons profiter de la piscine de l’hôtel. Le top, sachant que les plages ne sont pas très propres par ici.

Nous rencontrons un couple de jeunes français et nous échangeons nos bonnes adresses. Ils partent pour Pondichéry. Ils ont commencé à nous parler anglais. Je me suis dit que j’avais fait vachement de progrès car je comprenais tout. C’est Agnès qui a réalisé la première que nous pouvions « speak french ». Vous dire l’état de notre cerveau par 40 degrés.

Atelier « swimming pool » pour cet après-midi. L’eau est bonne. Repos total.

Petit retour sur Info : Moham, rencontré à la Maison Blanche et qui vient nous faire un petit coucou toutes les fins d’après-midi me donne le nom de l’éléphante. Elle s’appelle Lakshmi. Et il semblerait que se soit un bon signe quand elle « crache ». Mon pied mouillé par ce mouchage bruyant n’en a que plus de valeur. La chance est avec moi !!!

Nous avons trouvé donc une « guest House ». Mais « que calor ». Le « Sea breeze ». Nous sommes installées dans son annexe et nous pouvons donc profiter de sa belle piscine. « Une vraie piscine avec de la vraie eau ». J’ai l’impression que je reviens de trois semaines dans le désert. Je me sens tel un pruneau sec oublié dans un sachet que l’on met dans l’eau pour qu’il s’en gorge et reprenne du volume.

Question volume, petite parenthèse, les amis « naturo » et diététiciennes ne m’en voudront pas, mais au lieu de vous frustrer avec le énième régime, offre-vous un voyage en Inde du sud.

Vous n’aurez jamais la sensation de faim à cause de la chaleur et je peux vous assurer les 4 à 5 kg en moins à la fin du voyage. Bien sûr, il faut le sac à dos d’au moins 10 kg pour bien transpirer et « éviter » comme nous les trains, cars et hôtels climatisés pour en rajouter. De préférence choisir des hôtels où il faut courir la ville pour trouver un casse-croûte, ça calme les appétits même les plus féroces. Nous avons le mode d’emploi et nous pourrons vous guider. Agnès a choisi l’option « turista » pour aller plus vite. Nous flottons dans nos vêtements. Avis aux amateurs (trices).

Nos jeunes français de ce matin sont aussi à la piscine. Quand je vous disais que le sac à dos et le guide du routard était un vrai exploit pour nous deux. Que des moins de 30 ans sur notre route. Et bien nous l’avons fait !!! D’ailleurs il n’y a pas plus de touristes ici qu’ailleurs, la  ville est à nous.

Petite parenthèse : Agnès cherche un metteur en scène pour sa prochaine pièce et bien elle l’a trouvé ! Il n’y a qu’à demander. Oui, ma « cop’s » a créé sa compagnie de théâtre il y a deux ans. Elle cherche des sponsors (au passage). En tout cas, au bord de la piscine les échanges vont bon train avec Stéphane. Son frère vit à Lyon ! C’est facile pour lui de venir ! Il est ok ! La période proposée par Agnès lui convient ! Comme je vous dis : il n’y a qu’à demander. Échange de courriel et promesse de se recontacter rapidement. Ça c’est fait !

La fin du voyage en Inde du sud : Couleurs et contrastes en Inde du sud huitième partie